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Vendre avec un bail emphytéotique à Hyères : à quel prix ?
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Vendre un bien quand est propriétaire de la construction, mais que le terrain sur lequel il est construit appartient à la Ville de Hyères : comment tenir compte de cette particularité locale pour estimer son bien à un prix de marché ? Telle est la problématique à laquelle sont confrontés les propriétaires de nombreux biens situés à La Capte, à l’Ayguade, à la Bergerie, au Pousset ou aux Salins.
En quoi le bail emphytéotique va-t-il impacter le prix du prix ?
On rappelle que dans le cadre d’un bail emphytéotique, la Ville de Hyères a donné à « l’emphytéote » la jouissance d’un terrain, moyennant un loyer « symbolique » (150 à 200 €/an) ; de son côté, l’emphytéote a financé une construction (une maison ou, plus rarement, un immeuble en copropriété), dont il a pu jouir pendant toute la durée du bail (70 à 99 ans), l’occuper, percevoir des revenus locatifs, comme un propriétaire « classique »...En contrepartie de « cadeau » sur le terrain, la Ville devient propriétaire, au terme du bail, de l’ensemble des constructions, et ce, sans aucune indemnité.
Dans ce contexte, on comprend aisément que l’estimation d’un bien en bail emphytéotique ne peut être réalisée selon les mêmes méthodes qu’un bien classique, en « pleine propriété ». Intuitivement, on comprend aisément que dans les derniers temps du bail (disons la veille de l’échéance pour l’exercice), le bien vaut...zéro ! puisque la Ville va en devenir propriétaire le lendemain, sans débourser un centime.
L’agent immobilier doit donc mettre en œuvre des méthodes bien spécifiques, qui nécessitent une connaissance fine du marché local :
- La méthode par comparaison, mais avec réintégration de la valeur du terrain
- La méthode du « cash-flow actualisé » ou par actualisation des revenus potentiels
La méthode par comparaison, avec réintégration du prix du terrain
La méthode par comparaison est un outil classique utilisée par les agents immobiliers, qui consiste simplement à comparer le bien à estimer à des biens comparables, vendus et à vendre.
Avec le bail emphytéotique, on se heurte à plusieurs difficultés :
- Les biens vendus « comparables », dans le même secteur, ne sont pas tous forcément sous bail emphytéotique ; les limites du lotissement « emphytéotique » doivent donc être connues.
- De plus, certains emphytéotes ont racheté le terrain à la Ville (ce sujet fera l’objet d’un autre article), et donc devenus pleinement propriétaires. On risque donc de « mélanger des torchons et des serviettes ».
- Enfin, pour complexifier le problème, les échéances des baux emphytéotiques ne sont pas toutes les mêmes ; on comprend aisément qu’un bail venant à échéance en 2025 n’a pas la même valeur qu’un bail se terminant en 2081...
Dés lors, la seule solution rationnelle consiste à « réintégrer » le prix « théorique » du terrain dans l’estimation, pour comparer la valeur des biens en pleine propriété. Or, on ne connait pas, le plus souvent, la valeur potentielle du terrain, qui est toujours fixée par l’Etat (service des Domaines), selon une méthode complexe, et pas vraiment transparente.
Il faut donc se contenter d’une approximation, sur la base du prix des terrains vendus par la Ville ces dernières années, qui sont régulièrement publiés dans le cadre des délibérations du Conseil Municipal, et en faire l’analyse fine (ce que nous avons fait).
Ainsi, on compare le bien estimé « en pleine propriété », puis on retranche la valeur théorique approximative du terrain, pour en déduire la valeur du bail emphytéotique seul.
Par exemple
Une maison « type » de 100 m² habitables implantée sur un terrain de 350 m² pourrait être estimée à 800.000 € en pleine propriété. En prenant une valeur « moyenne » de 250.000 € pour le terrain, on pourrait considérer que le bail emphytéotique seul vaudrait environ 550.000 €, en supposant que ce bail a une durée restante dans la moyenne du marché...
La méthode du « cash-flow actualisé »
Cette méthode, très utilisée par les investisseurs institutionnels (banques, fonds de pension, ...), consiste à déterminer la valeur d’un bien en se fondant sur le revenu potentiel maximal qu’il peut générer pendant sa durée de détention. Cette méthode est donc bien adaptée pour estimer un bail emphytéotique à Hyères, souvent situé en secteur « balnéaire », où la location saisonnière est monnaie courante, avec de nombreuses références « comparables ».
Les revenus sont actualisés selon la formule classique suivante :
Loyer année n actualisé = loyer année 1 / (1+taux rendement puissance n).
Par exemple
Année Revenu Rentabilité Revenu actualisé An
2022 10000 5% 9524 1
2023 10000 5% 9070 2
2024 10000 5% 8638 3
2025 10000 5% 8227 4
...
2053 10000 5% 2099 32
2054 10000 5% 1999 33
Total 160025
La valeur actualisée des loyers à percevoir est donc de 160.000 € environ, compte tenu d’un taux de rendement (dit « interne » ou TRI) de 5%. Ce calcul est ici volontairement simplifié, car il faudrait tenir compte de l’évolution des loyers (inflation), des frais d’acquisition et de gestion, de l’effet de levier de l’endettement...mais il est globalement valable.
Conclusion
L’estimation de la valeur d’un bail emphytéotique demande un travail de fond précis, fondé sur des références documentées, que seul un professionnel local peut réaliser en y consacrant le temps nécessaire. Les sites d’estimation en ligne, par exemple, ne sont pas d’une grande utilité, car incapables de prendre en compte les particularités de ce dispositif juridique au final assez rare.